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Publié le par Olivier Soz

La douche m'a fait du bien, je m'allonge sur mon lit et regarde, moqueur, le télé-achat.
Mais qui peut bien acheter ça ?!

L'œillet bascule, un surveillant entre.


- Soz, Voici ton courrier. Tu as... cinq, six, sept, huit lettres !!
- Merci ! Merci !
- Oui car en fait, étant donné que tu as changé de cellule, le courrier a été plus ou moins mis de côté.

Je m'allonge sur mon lit et observe une par une les enveloppes. Deux lettres officielles et le reste, des lettres manuscrites.

Je fais durer le plaisir, je pense que je vais mettre toute la matinée à toutes les ouvrir ! Quelle joie de recevoir du courrier. Le seul moment plaisant de la journée !Pour laisser le suspens, je commence par les lettres officielles.

La première me signale que le mandat de ma mère est passé et que mon compte est créditeur de 150€.
Je me retiens d'ouvrir les lettres manuscrites et ouvre la seconde officielle. Une lettre me signalant qu'un expert psychiatre passera prochainement pour m'analyser.

Enfin, les plus importantes à mes yeux. Je reconnais l'écriture d'Olivia, j'ouvre sa lettre.

Olivier,

Pour commencer, sache que je suis à fond de ton côté, et que même si ce que tu as fais est grave, je sais que tu ne l'as pas fait pour rien. Pour préserver ta sœur.

Je pense chaque jour, minute, seconde à toi. Je pleure beaucoup. Mais je sais que tu reviendras vite, la seule chose que je te demande, c'est de revenir entier. Je ne peux pas me permettre de dire que je connais l'univers carcéral, mais je pense que ce doit être difficile pour toi, amoureux de la liberté ( et de moi ! ).

Je viens aussi souvent que possible rendre visite à ta mère qui vient d'avoir le droit de parloir. Elle me racontera quand elle t'aura vu mais tu ne peux pas t'imaginer comme je suis impatiente de savoir comment tu te portes.
Tu me manques vraiment trop, quand tu sortiras, nous ferons l'amour comme des fous ! mais je n'ose trop en dire car je suppose que ton courrier est lu.

Au lycée, tout le monde parle de toi. Tout le monde me questionne, mais je ne réponds pas. Mais il est presque amusant d'entendre toutes les différentes versions que j'ai pu entendre.

Tu sais, je vais presque tous les jours chez ta famille, prendre des nouvelles ( que je n'ai pas ). Mais comme le dit ta soeur, ceci n'est qu'un passage de notre vie (et surtout de la tienne), quelques mois et la vie reprendra son cours..

En tout cas, garde le courage que tu as, et quand tu vas mal, pense à moi, à nos meilleurs moments passés ensemble.

En ce qui concerne Luc, il est sorti de l'hôpital, heureusement que tu n'as pas touché des endroits vitaux, mais je suppose que c'était volontaire.

Si tu as besoin d'argent, fais-le moi savoir, car ta mère m'a dit qu'elle s'en occupait mais je ne sais pas combien elle t'a envoyé.

Réponds-moi vite s'il te plaît, j'ai besoin de tes nouvelles, de savoir ce que tu fais.
Je t'aime,

Olivia.


Bien que la lettre ne soit pas la plus romantique qu'Olivia ait pu m'écrire, je suis ému. Cette même boule dans la gorge. De la tristesse mélangée à de la joie. Triste car Olivia est loin de moi, heureux car elle ne m'en veut pas. J'avais tellement peur qu'Olivia ne veuille plus de moi à cause de ce que j'ai fait.

Je relis la lettre trois fois, je réponds sur quatre pages, puis ouvre la seconde lettre manuscrite : ma sœur Amandine.

Amandine est très sportive, elle a vingt-deux ans et ne vit que par le sport. Je m'arrête sur un passage de la lettre :

(...) Un conseil, fais de la musculation dans ta cellule si tu n'as rien à faire ! On peut créer beaucoup de gestes musculaires sans instruments ! Exemple pour muscler les cuisses :
Squash : Tu t'accroupis, les mains à plat contre le sol. Et tu utilises d'un coup tes jambes comme un ressort pour sauter le plus haut possible en levant les bras. Répète ce geste par série de trente (...)


Amusant, je vais essayer.

Je fais donc, au milieu de ma cellule mes exercices de squash. Je n'ai jamais étais très « danseur » et mes gestes sont très maladroits et manquent beaucoup de grâce. Je dois plus ressembler à un singe qu'à un prof d'aérobic, mais tant que ça muscle. Je prends appui sur mes jambes accroupies, les mains à plat contre le sol, je saute, je lève les bras et, alors que je décolle du sol, la porte s'ouvre.

Un surveillant m'observait par l'œillet, pendant ma gymnastique originale. Il entre dans ma cellule très brusquement, le regard paniqué en criant :

- Soz !!! Soz !! Est-ce que ça va ?!!! que t'arrive-t-il ??! Il fait une crise !! Il fait une crise !!!


Je le fixe, très gêné, sans savoir quoi dire. Je réalise que en effet, ça doit être très surprenant de voir un détenu, par l'œillet, sauter bêtement dans tous les sens dans sa cellule.

- Il m'arrive rien, surveillant, je fais ma gym quoi.
- Ah putain ! Le con ! Tu m'as foutu les boules !
- Surveillant.. Un peu de tenue !
- Ahaha ! sérieusement, Soz, je pensais que tu avais un problème, bon c'est l'heure de la promenade tu veux sortir ?
- Déjà ? ah non, je sors pas, je lis mon courrier.
- Très bien, salut.
- Et au fait, surveillant, vous pouvez repasser dans une heure pour que je vous donne mes fiches de cantine, j'ai reçu un mandat et j'aimerais bien commander quelques petits trucs.
- Ouais ok tu mettras un drapeau..
- D'accord.


Je lis mon courrier toute la matinée, et le relis en mangeant un repas que l'on me sert ce midi dans une barquette en plastique, digne d'un restaurant gastronomique !

Je m'assieds face à la table et coche ce que je veux commander. Je sors la feuille de cantine rouge, dédiée à l'achat de nourriture. Des pâtes, du thon, des raviolis (je déteste ça mais au moins je ne mangerai pas tout d'un coup), des fruits, des canettes de sodas, des cigarettes, du tabac à rouler et des feuilles pour éviter les pannes de cigarettes, étant donné que je ne peux pas en commander tous les jours, des biscuits, de la farine, du lait, des œufs et du chocolat. Puis, place à la feuille bleue, pour l'achat de matériel. Un toto. Un couteau et un miroir petite taille (pour me permettre de mieux voir les détenus à qui je m'adresse lorsque je parle à la fenêtre).
Il est déjà 21h00, la journée ne s'était jamais écoulée aussi rapidement, quel bonheur de recevoir du courrier, je ne sais pas si les gens dehors se rendent compte à quel point c'est plaisant. Je déroge à ma décision de la veille, je préfère m'endormir en imaginant mes amis, ma famille, donnant une grande fête pour ma sortie de prison, plutôt que de faire des Maths.
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