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Publié le par Olivier Soz

On m'appelle à la fenêtre, je crois reconnaître la voix enrouée de Kalidou.

- Ouais ! Ouais ? C'est qui là ?!
- C'est Kalidou ça va ou quoi ?
- Ouais ouais.


Dans la norme j'aurais demandé si lui allait bien aussi, mais aujourd'hui je ne suis pas vraiment d'humeur à m'inquiéter de la santé de mes co-détenus.

- Pourquoi t'es pas venu en promenade ce matin ?
- Parce que, t'as vu, j'ai reçu du courrier alors je l'ai lu.
- Ah ouais ? t'as reçu des photos de pétasses ? fais tourner mon ami !
- Je ne connais pas de pétasse.
- Allez arrête tes mitos ! j'suis sûr tu dois connaître trop de meufs, beau-gosse !
- J'ai reçu que des lettres de la famille.
- Et t'as une meuf ?


Là, il m'énerve... Je prends un ton plus sec.

- Non, mais j'ai une petite amie.
- Ok ok, t'énerve pas gros ! Heyy l'arrivant ? Heyy l'arrivant !!!! t'as vu il répond pas ce batard et il sort pas de sa cellule, c'est une victime !!!
- Attends j'vais essayer, vu que sa cellule est à côté.
Tout en donnant des coups de pieds dans le mur,
je l'appelle.
- Heyy Cédric ? réponds s'il te plaît. Il répond, timidement.
- Oui ?
- Salut, pourquoi tu vas pas en promenade ? t'as peur ou quoi ?
- Non non mais j'ai froid.
- T'es un fou Cedric, si tu restes dans ta cellule tu vas péter un plomb, faut que tu sortes un peu mon gars.
- Ouais ok j'irai en promenade cet après midi. »


Le pauvre... Et à cause de moi.

J'entends d'ici les autres détenus rire, ils s'imaginent déjà de quelle manière ils vont l'accueillir en promenade. Moi, ça ne me fait pas rire. Mais la prison, c'est ça, chacun pour sa gueule, provoquer et se réjouir du malheur d'autrui.

Et c'est moi qui suis censé le 'victimer'...

Si en promenade je fais le héros et que je le défends, c'est mort, je n'aurai plus aucune crédibilité. De plus, si je fais équipe avec lui, à deux contre quarante, ça risque d'être chaud. Je n'ai qu'une solution, le frapper en faisant attention de ne pas trop l'abîmer.

Je roule mon blouson pour le transformer en coussin, renifle l'odeur qu'il accumule de jour en jour et regarde Arte : un reportage réalisé en Afrique. Cinq lions dévorant une biche sans défense.

L'œillet bascule, un surveillant que je n'avais jamais vu auparavant entre.

- Soz, promenade ?
- Ouais.

Il attend que j'enfile mon blouson. Je lève les bras pour qu'il puisse me palper afin de vérifier que je n'ai rien qui puisse faire office d'arme sur moi et me demande d'attendre dans le couloir.

Là, je sers la main aux autres détenus qui attendent, sauf Walid qui me regarde de haut en bas, Carl qui me regarde en levant les yeux, tant il est petit et les violeurs qui regardent le sol.

Cédric sort de sa cellule. Il fait ma taille, châtain, yeux clairs et le visage plein de boutons. Il fait bien son âge, dix sept ans et je trouve qu'il ressemble à ces jeunes qui passent leur temps à réparer leurs mobylettes dans le garage de leurs grands pavillons.

Cédric observe tout le monde, je remarque ses mains qui tremblent, mais je ne lui adresse pas la parole. J'ai juste envie de lui hurler « retourne dans ta cellule ! change d'avis ! ».

Les portes s'ouvrent une à une le long de notre chemin pour atteindre la promenade. Nous arrivons dans cette grande cour. J'observe les miradors, les surveillants nous guettent, mais je sais d'avance que quoi qu'il puisse se passer, ils ne bougeront pas.

Les violeurs se sont mis au fond de la cour, pour ne pas être au milieu de la mêlée qui se prépare.

Je m'avance vers Cédric. Tout le monde me regarde et se prépare à sauter dans le tas, en attendant qu'un premier coup parte. Certains font craquer les os de leurs mains. L'intimidation est une arme très utilisée en prison. Je suis en face de lui, je lis dans ses yeux qu'il est mort de peur. Je ne le frapperai pas, c'est sûr.
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