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Publié le par Olivier Soz

Tout en regardant un jeu télévisé à la télévision, je reprend mon carnet d'affinités et note :

Carl : Ennemi, a voulu que je lui cantine des tonnes de choses contre une paire de chaussette. Ne pas avoir peur de lui, petit con d'après ce que m'a dit Kalidou. Ne pas avoir d'affinité.

Du bruit à la fenêtre. Je tends l'oreille et entends que l'arrivant, dont Kalidou m'a parlé, est apparemment à destination. Le pauvre. Je me souviens de mon arrivée, je me mets à sa place. Apparemment c'est un français aussi. Nous sommes donc maintenant trois mineurs français dans cette prison : le cambrioleur nécrophile, l'arrivant et moi.

J'essaye d'écouter sa voix, je veux voir s'il a une voix imposante car comme prévu, à la prochaine promenade, dans le but de faire mes preuves vis à vis des autres détenus, il faudra que je fasse partie des racailles qui le « victimeront ».

J'écris une lettre à mon meilleur ami Jérôme et une à mon père, pour passer le temps. Je les enverrai lorsque je pourrai acheter des timbres, sûrement demain d'ailleurs, vu que je dois recevoir un mandat.

Je m'assieds devant la fenêtre et me place en position de spectateur. Environ une dizaine de détenus essayent de le questionner, puis finalement c'est le petit con de Carl qui prend le dessus et qui arrive à avoir le plus de réponses. Les autres détenus font la même chose que moi, ils écoutent la conversation entre Carl et l'arrivant pour découvrir sa personnalité.

- Héé L'arrivant ?!
- Oui ?
- Tu t'appelles comment ?
- Cédric
- Ok, et tu viens d'où ?
- Chevreuse.
- T'es tombé pourquoi ?
- Trafic de drogue
- Ah ouais ? t'es un dealer toi ! c'est bien ! tu vas faire passer du shit au parloir mec ! t'as pris combien ?
- Je sais pas, je suis en mandat de dépôt en attente de jugement.
- T'as quel âge ?
- Seize ans.
- Hé l'arrivant, j'espère que t'as pris un maillot de bain !?
- Heu non pourquoi ?
- Tu vois le bâtiment bleu en face ?
- Ouais.
- C'est une piscine ! tous les après-midis tu peux y aller.
- Ah bon ok .


J'entends d'ici les autres détenus se forcer à rire pour faire plaisir à Carl, qui, motivé par le succès de cette blague, continue dans cette voie.

- Ouais et aussi, le matin c'est tranquille, t'as le choix entre pain au chocolat et croissant.
- Ah ok.


Satisfait de ses moqueries, Carl laisse la place aux autres détenus pour leur permettre de continuer à s'amuser avec leur nouveau jouet.

La journée passe, l'arrivant n'est pas venu en promenade cet après-midi, tant mieux pour lui je pense.
Ce soir, je ne regarde la télé que d'un œil car il y a des gens dans les arbres en face de la prison, ils appellent ça le « parloir sauvage ». Ils sont environ cinq, venus parler justement avec Kalidou. C'est un mauvais point pour lui. En prison, si tu vas souvent au parloir, que tu reçois beaucoup de lettres, en plus d'être envié, tu es catégorisé comme faible. En effet, une personne n'ayant ni ami ni famille dehors sera plus dangereux ici, il n'aura rien à perdre contrairement à la personne posée avant son incarcération qui fait tout pour se préserver et vite terminer sa peine pour rentrer chez lui entier.

Je regarde un reportage sur les prisons, c'est impressionnant, ce qui est décrit me semble tout à fait étranger. Selon le journaliste, la vie du détenu se résume à : dodo-télé-repas. Dans la réalité, ce serait plutôt : cauchemar-survie-nourriture.

Je me couche, et réfléchis, la tête enfouie dans mon blouson qui sent la prison. Maman a mis une taie d'oreiller dans mon linge, je ne l'utilise même pas car l'odeur me rend nostalgique et me donne maintenant envie de pleurer.

Je réfléchis.

Seulement sept jours que je suis là. Encore combien de période de sept jours me reste t'il avant de sortir ? Quatre fois sept jours dans un mois. Donc hm... quatre fois sept...hm non. Je suis là pour six mois donc six fois quatre... hm... vingt-quatre donc hm...

Je m'endors.

L'œillet bascule, un surveillant entre.

« BONJOUR SOZ ! »

Je lui réponds et me blottis dans mes draps fins, frigorifié. Je me souviens de la façon dont je me suis endormi la veille et je prends cette décision : mon nouveau somnifère sera le calcul mental.
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